Guinness
Par Nona
Avant son arrivée
Guinness est notre premier chien. On se pose beaucoup de questions avant l’arrivée d’un chien à la maison et je ne fis pas exception.
Le premier contact avec l'approche d'André Escafre a été la lecture de son livre. Pas évident comme lecture, je n'ai pas toujours tout compris. Mais je suis passionnée d’éthologie équine et j'ai perçu des similitudes avec ma façon de travailler les chevaux.
Afin d’en savoir plus, j’ai feuilleté sur Internet et trouvé un forum sur le sujet. Beaucoup de discussions et de questions posées, avant même la naissance de mon chiot ! Cette initiative m’a permis d’éviter bien des désagréments comme par exemple les conséquences du jeu. Avoir un chien obnubilé par une balle ne me plaisait guère mais je croyais que ça faisait partie de son éducation. Quand on passe tout le début de sa vie à voir des chiens jouer au bâton ou attendre assis avant d’avoir le droit de toucher à sa gamelle, on pense que c’est la bonne chose et on n'imagine pas d’autres façons de faire. Mais il ne manquait pas grand-chose pour me convaincre que d’autres solutions étaient possibles pour être heureux avec son chien.
Ce fut quand même un vrai travail de remise en question. La remise en question est constante, je n'arrêtais pas de changer ma vision des choses pour trouver celle qui me semblait la plus juste pour réussir à mieux comprendre. Le comportement animal est fascinant à analyser mais pas à la portée de monsieur tout le monde. Il faut du temps et de la pratique surtout : besoin de beaucoup d'aide pour les novices ! Mais c'est tellement passionnant de comprendre une situation canine, de voir pourquoi un chien a eu telle ou telle action envers un autre...
L'arrivée de Guinness
Et un beau jour, à 2 mois et 2 semaines, Guinness arriva à la maison.
Nous avons déplacé son panier à plusieurs reprises pour trouver l'endroit où elle préférerait se coucher mais nous ne voulions pas qu'elle prenne l'habitude de dormir avec nous la nuit. Les deux premières nuits, elle a poussé des hurlements car elle était enfermée dans une pièce. Nous avons donc mis une barrière à la porte de notre chambre et les cris se sont arrêtés car elle pouvait nous voir.
J'ai tout de suite pris l'habitude de ne l'appeler que lorsqu'il le fallait vraiment. Quand c'était possible, au lieu de l'appeler, je marchais en sens inverse pour qu’elle soit attentive à mes déplacements. Quand je l'appelais, c'était toujours avec une voix douce et avec une façon qui faisait beaucoup rire mes amis "Louloute tu viens me voir ?" et dès qu’elle tournait la tête vers moi et jusqu’à ce qu’elle arrive à moi : "c’est bieeeen viens me voir !!!". J’ai suscité beaucoup de rires et on se moquait pas mal de moi mais au final, j’ai un excellent rappel avec ma chienne. J’arrive à la faire venir à moi alors qu’elle court derrière un veau au beau milieu d’un champ ou qu’elle s’éloigne en jouant avec d’autres chiens.
Nous l’avons directement mise en libre-service pour les croquettes.
Quand elle en a envie, nous lui permettons de monter sur le canapé. Cela fait autant plaisir à nous qu'à elle et quand on le lui demande elle redescend. Elle ne décide jamais de monter sur autre chose que sur son canapé.
Je suis à son écoute quand elle a envie de sortir. Certains m'ont dit que je me fais commander par ma chienne car je réponds à ses demandes. Mais justement, c'est parce que je sais l'écouter que ça se passe bien. La preuve : elle aussi sait m'écouter quand je lui demande de rentrer.
Les problèmes !
Mais un gros problème est venu gâcher notre bonheur !
Les deux premiers mois, je ne travaillais pas et Guinness était tout le temps avec moi. Je l’amenais partout, ce qui a fait d’elle un chien qui s’adapte à pas mal de situations. Mais cela a entraîné un hyper-attachement envers moi. j’avais omis un apprentissage important : le détachement !
Je suis devenue une sorte de drogue pour elle. C’est mignon un chien qui vous AIME mais ça devient vite embêtant, je vous assure. Je savais que le chien devait avoir sa propre indépendance et je croyais qu’elle l’avait car en balade elle n’était pas collée à moi et à la maison elle faisait plus ou moins sa vie. Mon premier jour de travail m’a vite montré autre chose.
Le choc fut rude pour Guinness. Séparée de moi brutalement, elle a perdu tous ses repères. Et les destructions ont commencé : chaussures, cartons alimentaires, Sopalin, couverts, poubelle, jusqu’à la destruction du canapé avec en prime un cubi de vin éventré dessus, un vrai régal.
J’ai commencé par ignorer sa présence lors de mon retour, c’était censé lui donner moins d’importance. Mais ça n’a pas marché pour deux raisons : l’ignorance a été trop brusque et je laissais transparaître mes émotions car j’étais très énervée. J’ai honte mais j'ai craqué plusieurs fois et je me suis acharnée sur elle, en lui mettant le nez dans ses bêtises. Mais comment pouvait-elle comprendre ? Comment pouvait-elle faire le lien entre les destructions et mon absence ? Comment pouvait-elle apprendre sans transition à ne plus m’avoir pour elle toute la journée ?
Les mois passèrent et je déprimais à chaque fois de rentrer.
Je ne rangeais jamais devant elle. Je faisais de mon mieux pour l'ignorer mais j'avoue qu'il m'arrivait de la taper, car quand en rentrant je la voyais toute penaude et je me disais : "elle se fout de moi, elle SAIT qu’elle a fait des bêtises". Maintenant je comprends qu'elle voyait que j'étais en colère mais elle ne savait pas faire le lien.
Sur les conseils d’amis, j’ai continué comme ça, et il m’arrivait de faire la gueule à ma chienne pendant des jours. Elle ne progressait pas et au fond de moi ça ne m’allait pas du tout. Alors j’ai essayé autre chose : j'ai commencé à l’enfermer dans la salle de bain en veillant à ce qu’elle ne puisse attraper quoi que ce soit. J’étais plus sereine toute la journée mais je culpabilisais quand même. Oh, elle ne faisait pas de bêtises, mais elle sortait de là complètement paniquée !
Pendant mes vacances, je l’ai laissée dix jours chez mes beaux-parents qui ont une chienne que Guinness connaît. Elle n’a pas fait de dégâts chez eux, elle n’a pas déprimé de ne pas nous voir et tout s’est bien passé. Dans la foulée, je l’ai laissée tout un week-end chez mon amie qui est la maîtresse de la mère de Guinness. J'avais peur qu'elle fasse des dégâts mais là encore, elle n’a pas chouiné à notre départ et n'a fait aucune bêtise.
Après mes vacances, les dégâts ont diminué. Quand il n’y en avait pas, je la félicitais chaudement. Je pensais que ça commençait à rentrer. Et puis les dégâts ont repris et j'ai recommencé comme avant : baston, ignorance, salle de bain. C’était un gros n’importe quoi. Pas étonnant que ma chienne ne savait plus où elle en était. Ma colère était toujours grande quand je rentrais et que l’appartement était dévasté.
Puis deux éléments nouveaux sont apparus.
Le premier est un conseil que l’on m’avait déjà plus ou moins donné mais qu'on m’a expliqué plus en profondeur : je devais faire un réel travail sur le détachement. Donc pendant un certain temps, j’ai agi avec Guinness comme si c’était le chien de quelqu'un d'autre que je gardais. Elle avait ses câlins mais moins qu’avant. Je ne la regardais plus pour rien. Je ne l’appelais plus pour rien. Quand je partais de la maison, je ne donnais aucun témoignage d’affection particulier et quand je revenais, j'agissais de façon neutre : qu’elle ait fait ou pas des dégâts, je rentrais en lui donnant une petite caresse accompagnée d’un "salut ma belle" puis plus rien. Je faisais ma vie sans faire attention à la façon dont elle faisait la sienne. Car elle était très speed quand je rentrais et le but était d'une part qu’elle se calme et d'autre part désacraliser les absences. Pendant tout ce temps, j’essayais de faire le plus régulièrement possible l'exercice "tu attends, je reviens" (un exercice facile qui sera expliqué dans les apprentissages). Depuis, malgré son regard qui semble dire "ne m’abandonne pas", quand je pars, je lui dis au revoir d’un ton enjoué, le même que lorsque je rentre.
Le second élément est l’arrivée d’un chaton à la maison. Il n’était pas encore sevré et Guinness s’en est bien occupée. Je pense que cette présence aide à lui faire penser à autre chose qu’à mon absence.
Actuellement ...
Était-elle triste de ne pas m’accompagner ? Peut-être.
Faisait-elle des dégâts par vengeance ? Je ne crois pas. Par ennui ? Aucune idée. Toujours est-il que je travaille toujours ce détachement dans plein de situations, dès que cela se présente. Je vais chercher le courrier sans elle, j'agis de la même façon pour les courtes ou les longues absences et je privilégie les balades très lentes avant de la laisser longtemps seule pour qu’elle ait une certaine fatigue mentale et se pose.
Tout le monde m’a toujours félicitée d’avoir une chienne calme et bien éduquée. Je réponds que ma chienne est calme car je n’ai jamais encouragé l’excitation par le jeu et que si elle semble bien éduquée, c’est qu’il y a une certaine complicité entre nous. Mais il faut du temps et il faut se remettre sans cesse en question. Même si ça va bien mieux en ce moment, je sais qu’il peut y avoir des rechutes mais je sais maintenant comment me comporter avec elle afin de l’aider à passer le cap.
Le club et l'apport d'autres chiens
Les séances au club m'apprennent à comprendre les chiens et aident Guinness à communiquer avec ses congénères. On ne comprend pas toujours tout. J'y amène Guinness depuis qu'elle a 3 mois et au début elle se faisait constamment remettre en place par le chien régulateur. Je ne comprenais pas pourquoi un chien adulte se comportait ainsi avec un chiot. Avec le temps et l'observation j'ai compris que les adultes agissaient en fonction du degré d'excitation. Au bout de quelques mois, ils ne se sont plus intéressés à elle. Elle fait sa vie pendant la séance et de temps en temps ils reviennent lui "remettre les idées en place" avec calme, juste en venant vers elle. Elle comprend tout de suite, elle a appris à communiquer.
Vivre avec un chien est une expérience très enrichissante pour moi. J'apprends tous les jours auprès de Guinness. Elle m'oblige à me poser pas mal de questions et au final ça me construit. Rien n'est figé, il y a toujours de l'évolution, il y a toujours des moments de crises et des moments de bonheur.
Je me demande souvent pourquoi nous prenons un chien dans la famille. Je crois que cette présence en rassure certains. Pour ma part, j'ai fait entrer une amie dans ma vie. Mais contrairement aux amis humains, on a une responsabilité envers son chien, c'est pour cela qu'il est si important de le comprendre. On lui a imposé une famille et un style de vie. Ne jamais l'écouter, ne jamais se mettre à sa portée, c'est se comporter en égoïste. Les chiens ne naissent pas avec des problèmes, c'est l'homme qui leur en créée. Lui sait s'adapter à nous, alors il mérite qu'on lui accorde notre attention.